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L'industrie du troisième millénaire

  in Objectif Rhône-Alpes - Lyon Mag, avril 2001

 

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Il faut être réaliste. On a déjà perdu la bataille des ordinateurs et celle des logiciels. Aujourd'hui tous les câbles qui vous relient au réseau sont américains. Mais je suis convaincu qu'on peut remporter la bataille du contenu. Et je compte bien continuer un rôle actif dans cette bataille.

 

Comment voyez-vous l'avenir d'Internet ?
Aujourd'hui on est dans la phase des dépôts de bilan. Les start-up qui ont épuisé leurs ressources financières payent les conséquences du e-krach. Après avoir arrosé sans discernement ces start-up, les financiers font un véritable blocage. Du coup, il y a des centaines de faillites, de fusions, de rachats… Mais la deuxième vague d'Internet arrive très vite. Et cette vague va être d'une violence inouïe !

L'origine de cette vague ?
Les grands groupes de l'ancienne économie qui ont parfaitement compris que la mort des start-up ne signifiait pas la mort d'Internet. Au contraire. Aujourd'hui ces entreprises sont en train de lancer d'énormes sites Internet avec des investissements colossaux.

Les secteurs concernés ?
Tous les secteurs sans exception. Les chefs d'entreprise, les conseils d'administration et les directions informatiques sortent enfin la tête de l'eau ! Exemple : actuellement des géants de la distribution comme Carrefour ou Casino investissent des sommes importantes pour tester différentes formules. Mais ce phénomène touche absolument tous les secteurs : nucléaire, métallurgie, assurances, santé, banques…

Les patrons étaient réticents jusqu'ici ?
Il y a même eu un mépris terrible de la part des patrons de l'ancienne économie en France pour la nouvelle économie !

Pourquoi ce mépris ?
Ces grands patrons n'ont pas senti le vent tourner. Et je crois qu'ils ont été abusés par le phénomène très artificiel des start-up. Du coup, ils n'ont pas compris que l'Internet était incontournable. Alors que l'Insee affirme qu'en 2005, 70 % du PIB mondial sera lié aux nouvelles technologies !

Mais certains patrons ont misé depuis longtemps sur Internet !
J'en connais peu qui ont osé se lancer comme Bernard Arnault qui a investi sur le web des millions sur ses fonds personnels… Et qui aujourd'hui lance Ze Bank, sa banque 100 % Internet ! Ce qui exige un certain culot.

Les qualités pour réussir sur Internet ?
L'Internet est une culture où on apprend tous les jours. C'est pour ça que pour réussir sur l'Internet il ne faut pas simplement être un as du business, il faut avoir une vision plus large du monde, plus humaniste. Mais il faut aussi garder son bon sens paysan !

C'est-à-dire ?
Moi je suis un pionnier de l'Internet. Avec quelques informaticiens j'ai effectivement été un des premiers à me connecter au web en France. Mais on avait derrière nous une vraie expérience des réseaux électroniques et du "on-line" ! C'est-à-dire du Minitel. D'ailleurs, tous les grands acteurs de la télématique sont devenus des grands acteurs de l'Internet. Ce qui est logique.

Et vous, comment vous voyez votre avenir ?
Quand je me suis lancé en 1987 mes banquiers me disaient que l'Internet, c'était la ruine assurée, que je ferais mieux d'investir mon argent ailleurs… Aujourd'hui mon groupe pèse 700 millions de francs avec un chiffre d'affaires de 500 millions de francs et plus de 300 salariés.

Comment avez-vous construit votre groupe ?
En étant un des premiers à conceptualiser les banques de données en ligne. Mon métier c'est en fait de collecter, d'organiser et de diffuser des données. Je produis des informations primaires sur des marchés où j'essaie de conquérir la première place. Exemple : Artprice qui est aujourd'hui la première banque de données mondiale sur la cotation de l'Art.

Pourquoi ce choix de l'information ?
Parce que l'information, c'est la matière première essentielle dans le système économique actuel.

L'intérêt économique d'une banque de données ?
C'est un des systèmes économiques les plus rentables. Car une banque de données est une source inépuisable d'informations qui ne coûte pas cher en frais de structures, mais qui peut rapidement devenir très rentable car si elle est pertinente, elle va créer un besoin récurrent chez une clientèle qui va alors devenir captive.

Vos perspectives ?
Devenir un acteur majeur sur ce créneau des banques de données en m'imposant sur le créneau de l'information et notamment sur certains marchés très spéciaux.

Des perspectives chiffrées ?
Le Groupe Serveur mise sur un chiffre d'affaires de 1,5 à 1,8 milliard de francs en 2005. Pour ça, on va faire de la croissance externe en se rapprochant d'autres sociétés qui se préparaient à entrer en Bourse mais qui, vu le contexte boursier, préfèrent nous rejoindre. Et quand on aura atteint cette taille critique, on s'introduira au Premier Marché ou sur l'Euronext unifié qui va naître en mai et qui réunira les Bourses de Paris, d'Amsterdam et de Bruxelles. Avec un objectif : lever entre 150 et 200 millions d'euros.

Les Français peuvent vraiment jouer un rôle sur Internet ?
Il faut être réaliste. On a déjà perdu la bataille des ordinateurs et celle des logiciels. Aujourd'hui, tous les câbles qui vous relient au réseau sont américains. Mais je suis convaincu qu'on peut remporter la bataille du contenu. Et je compte bien continuer à jouer un rôle actif dans cette bataille.

Etre basé à Lyon, ce n'est pas un handicap ?
Au contraire ! L'Internet permet justement la décentralisation. En plus, à Lyon, on est au cœur d'une région particulièrement dynamique avec une trentaine d'entreprises internationales. Je pense même que Lyon sera la future capitale du numérique et de l'Internet.

Propos recueillis par Serge Barbet.

1. Selon le département du commerce des Etats-Unis, 200 millions de gens dans le monde étaient connectés à Internet l'année dernière. Et on devrait atteindre le milliard d'internautes vers 2005.

2. Le "Village global". Cette notion a été rendue célèbre par les écrits du chercheur canadien Herbert Marshall Mac Luhan (1911-1980) qui a notamment écrit "La galaxie Gütemberg" en 1962 ou encore "Pour comprendre les médias" en 1977.
Voir le site www.mcluhan.toronto.edu/

Serge Barbet
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