« Le
marché de l'art, c'est le marché financier en dix
fois plus intelligent et féroce », risque enfin
Thierry Ehrmann.
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« Je n'aime
pas parler d'argent », lance d'emblée Yvon Lambert, qui tient
une galerie d'art dans le Marais à Paris, depuis plus de quarante
ans. Il est à l'origine de la carrière de nombreux peintres,
dont certains vendent aujourd'hui leurs uvres plusieurs millions
de francs. Pourtant, Yvon Lambert esquive les questions pécuniaires.
« Ce qui m'intéresse, c'est le travail de l'artiste. »
L'attitude de ce marchand réputé ne jure pas dans le milieu
feutré des galeristes.On se passionne pour une uvre d'art,
en évitant toute considération financière. L'argent
de l'art, question triviale ? Pourtant, si le talent parle de lui-même,
pourquoi Orange Marilyn (120 millions de francs) vaut-il six fois
plus cher que Shot Red Marilyn, tous deux d'Andy Warhol, de 1964
et de format 1 X 1 m ? A moins de rester sur le marché primaire,
où les premières uvres sont accessibles autour de
50 000 francs, le prix de l'émotion relèverait de la
plus belle utopie ! Passée la barre des 100 000 francs, en
effet, l'acheteur investit sur le marché rationnel de l'art. Les
artistes promus dans ce cercle bénéficient d'une visibilité
internationale. A l'instar de la Bourse pour les sociétés,
ces ventes confèrent une valeur à l'artiste et ce qui compte,
avant l'uvre, c'est le créateur et son parcours. «
Le marché de l'art est un flux d'informations très pertinent,
peuplé de grandes instances qui légitiment un artiste »,
constate Thierry Ehrmann, président du Groupe Server et d'artprice.com.
De même que l'artiste n'existe que par une biographie consistante,
un grand marchand se juge à la surface (physique) de son fonds
(information et stock), équivalant à deux fois et demie
sa surface de vente !
De ce fait pour un artiste, exposer dans un musée, c'est (re)dorer
sa cote. Et susciter l'intérêt de grandes galeries telles
que Sonnabend à New York, c'est le début de la gloire !
En fait, les marchands le placent dans les musées, surveillent
sa cote et interviennent pour en réguler le cours. L'artiste gagne
alors dix à vingt ans de carrière. A côté d'eux,
les taste makers, tel Saatchi, publiciste et grand collectionneur
anglais, lancent les modes. Un business !
Qu'on se rassure, le talent reste primordial, tout autant que la cohérence
de l'uvre. Si l'artiste doit produire, il doit aussi gérer
sa création. D'autant qu'une mauvaise série peut plomber
la cote d'un créateur, au point que certains Ben et Armand
en tête rachètent les uvres de leur période
dite « critique ». « On reconnaît les chefs de
file, artistes majeurs qui créent le langage, à leur capacité
à innover », souligne Arnaud Cornette de Saint-Cyr, commissaire-priseur.
Ainsi la cote de Warhol, icône du pop art, ne cesse de grimper.
« Une Chaise électrique a été vendue
en juin dernier à Londres quelque 16 millions de francs, soit quatre
fois sa valeur estimée », constate Grégoire Billault,
expert chez Sotheby's France. Preuve s'il en est, que ce marché
structuré n'est pas à l'abri d'une part d'irrationnel !
Ce tableau, en parfait état, n'avait pas ou peu changé de
mains. Le rêve des collectionneurs !
« Le marché de l'art, c'est le marché financier en
dix fois plus intelligent et féroce », risque enfin Thierry
Ehrmann. Aux aguets, les grandes instances de ce petit monde anticipent
jusqu'aux tragédies. Elles auraient parié sur la mort de
Jean-Michel Basquiat protégé de Warhol et victime
de diverses drogues de son vivant, jusqu'à faire monter sa
cote. Acheter au bon moment et au juste prix est aussi complexe que d'investir
en Bourse. Nouvelles et rumeurs font aussi le cours des uvres d'art.
ANNE MICHEL
copyright ©2001 LA VIE FINANCIERE
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