L'industrie du troisième millénaire |
in Technikart, novembre 2001.
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Il appelle ses collaborateurs des "companeros", comme s'il menait une guérilla. Le tout est entrecoupé d'un jargon technique qui semble, parfois abscons, voire grotesque : "Ils voulaient encapsuler le protocole IP, à travers un Intranet national! C'est ce que j'appelle le high-tech colbertiste!" Comment un type peut-il faire autant de choses ? Penser à autant de trucs différents ? N'est-il pas un peu mytho ? Et surtout : pourquoi ne passe-t-il tous les soirs sur TF1 ? "J'adore les infos mais je déteste l'image télévisuelle. Et puis je suis assez discret." Renseignements pris, tout ce qu'il dit est vrai. Du flot de ses paroles, on retient une chose : Ehrmann est un obsédé de "l'info" ("Je suis passionné, c'est ma came : je prends trois heures tous les matins pour lire les journaux, et faire des revues de presse"). Mais qu'entend-il exactement par des expressions comme "la cyber-révolution de l'info" ? On ne croule pas assez sous les infos comme ça ? En fait, on s'aperçoit que ce n'est pas à cette "info" là que pense Ehrmann. Il parle d'informations administratives, juridiques, économiques, des réglementations, des décrets, des trucs super chiants, et mega pas intéressants. C'est comme ça qu'il a fait fortune. En constituant des banques de données thématiques, accessibles sur Minitel, puis sur Internet. Son principe ? Collecter et synthétiser des informations publiques, et les proposer sous une forme simplifiée. Exemple : les Conventions collectives, qui régissent les métiers. Autrefois, pour connaître vos droits et statuts, vous deviez passer par des intermédiaires, cabinets d'avocats et autres, qui faisaient payer très cher l'accès à cette info touffue. Ehrmann, lui, a engagé des bataillons d'avocats, qui se sont mis à collecter et à dépiauter tous les textes officiels, les assembler, et les proposer sous une forme simplifiée dans le 3617 CC1. Ici, on rigole un peu : c'est ça votre "révolution de l'info" ? Une info économique, à valeur ajoutée, que vous vendez à l'envie ? La belle affaire. Mais les choses sont un peu compliquées. En fait, pour comprendre
la "révolution de l'info" dont il parle, il faut
se reporter à son histoire. En effet, à 18 ans, il perd
son père, un grand industriel de la chimie, catholique proche de
l'opus dei. Ehrmann doit reprendre l'entreprise familiale, et fait face
aux amis de son père, le cartel de la chimie, qui lui expliquent
les règles. En gros "On s'entend entre nous pour fixer
des prix aux producteurs de matières premières." Mais
Ehrmann ne rentre pas dans le jeu, il balance l'info, renseigne les pays
producteurs, et arrive, au passage, à revendre très bien
l'entreprise familiale. "C'est là que j'ai compris la valeur
de l'information." En effet, le jeune Ehrmann vient d'avoir une
révélation de type quasi mystique : il existe une immense
matière première d'informations, économiques juridiques
ou professionnelles, qui dorment dans l'ombre. "Cette info vaut
plus aujourd'hui que la production : 30 à 40% des acteurs économiques
vivent de la rétention d'informations et vous font payer très
cher l'accès aux infos." |
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